La pierre vaut plus que le sang
Note de l’auteur : je souhaitais initialement publier ce billet juste après l’incendie de Notre-Dame de Paris (15 et ), alors que le sujet était encore « brûlant » (sans mauvais jeu de mots), mais j’ai (trop) longuement hésité… À tel point que je me suis même demandé si cela en valait encore la peine, car il représentait une réaction « à chaud » de ma part, plus pertinente et percutante durant la période concernée que bien des mois après ! Néanmoins, j’ai tout de même pris la décision de le publier, ne serait-ce que pour éviter de l’avoir écrit pour rien… Évitons le gaspillage
Suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris, je constate plus que jamais que la vie humaine n’a vraiment aucune valeur dans nos sociétés.
Comme tant d’autres, j’ai été sous le choc des images et j’ai partagé, l’espace d’une soirée, la tristesse de tout un peuple. La destruction totale ou partielle d’un monument, d’un patrimoine représente toujours une perte incommensurable pour l’Histoire – heureusement sans victimes humaines dans le cas présent.
Pourtant, lorsque je vois le deuil (inter)national que cela suscite et le formidable élan de solidarité qui en a suivi (près d’un milliard d’euros de dons à l’heure où j’écris), cela me met quelque peu mal à l’aise…
Vous souvenez-vous de l’incendie de la tour Grenfell, à Londres, le 14 juin 2017 ? Le bilan humain y avait été épouvantable : 71 morts, 8 disparus et 74 blessés. Des victimes de tous âges, des familles brisées à jamais ; un drame qui aurait pu être évité !

Deux incendies majeurs, mais deux poids, deux mesures…
Crédits : photo de gauche par LeLaisserPasserA38 (CC BY-SA 4.0) et photo de droite par Natalie Oxford (CC BY 4.0).
Étrangement, la réaction internationale suite à ce drame m’a semblé être moins intense – et moins durable – que la catastrophe qui a récemment frappé Paris. De plus, les victimes et les rescapés de la tour ont-ils eu aussi la faveur d’une collecte de dons ? Si oui, a-t-elle été d’une ampleur comparable à celle visant à restaurer la célèbre cathédrale ? Hélas, non, j’en ai bien peur ! D’ailleurs, six mois après le drame, les rescapés de la tour étaient toujours logés à l’hôtel, alors que le gouvernement avait initialement promis de leur trouver des foyers sous trois semaines…
Les gargouilles semblent donc recevoir plus de considération que les êtres humains ! Triste monde.
Et alors même que les braises de la charpente fument encore, nous apprenons que le personnel des hôpitaux parisiens entre en grève illimitée et dénonce des conditions de travail « insupportables ». D’après vous, recevront-ils autant de soutien des instances politiques, autant de ferveur du public, autant de couverture médiatique ?
Mortalité et terrorisme : réalité vs. couverture médiatique

« Les causes de décès des américains, ce qu’ils cherchent sur Google et ce que les médias rapportent. »
Quatre colonnes, de gauche à droite : causes de mortalité en 2016, recherches Google entre 2004 et 2016, couverture médiatique du New York Times de 1999 à 2016 et The Guardian de 1999 à 2016.
Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Ce graphique, très intéressant, nous apprend qu’il existe une belle différence de couverture médiatique entre les différentes causes de mortalité aux USA (nul doute que la situation ne soit guère plus reluisante ici).
Ainsi, on constate que les principales causes sont malheureusement bien souvent sous-médiatisées, en particulier les maladies cardiovasculaires (heart disease), pourtant responsables de 30.2 % des décès, mais dont la couverture médiatique ne s’élève qu’à un maigre 2.3 % (moyenne des deux médias cités)…
A contrario, le terrorisme et les homicides, responsables conjointement de moins de 1 % des décès, sont sur-médiatisés : 57.5 %, soit plus de la moitié !
Entretenir la peur et la défiance envers les autres, éluder les véritables problématiques, voilà visiblement les objectifs sournois de certains influenceurs et médias. En conséquence, l’opinion publique ainsi conditionnée exigera des mesures (politiques et économiques) concrètes, souvent radicales, pour des sujets « mineurs » et soigneusement orientés, mais pas ou peu d’actions pour ce qui semble moins important, moins urgent. Dans quel but ? La question reste ouverte et on ne peut malheureusement que spéculer (asseoir une idéologie, en retirer un avantage financier, obtenir des suffrages…).
De fait (et pour la petite parenthèse), je ne suis même plus étonné de constater à quel point certains parents peuvent devenir hystériques à la seule idée de laisser leur(s) enfant(s) aller seul(s) à l’école, de peur d’un kidnapping ! Oui, même ici, en région rurale, loin de la tumulte des villes. Pourtant, je suis quasiment certain qu’il y a statistiquement plus de risques à être victime d’un accident de voiture sur le trajet de l’école que d’un enlèvement (sans compter l’impact écologique désastreux, les nuisances pour les riverains, etc.).
On remerciera donc les « vendeurs de peur » en tous genres qui nous abreuvent constamment de mauvaises nouvelles, laissant planer un climat anxiogène quasi-permanent et cristallisant une peur inutile dans le cœur d’une partie de la population… La peur est une émotion indispensable qui ne devrait jamais être manipulée !
Bref, prenez soin de vous et ne cédez pas promptement à la panique (ni à la paranoïa complotiste, d’ailleurs)