Stupeur parmi les habitants de la planète : il manque une lettre dans l’alphabet latin ! Elle a disparu de l’intégralité des textes telle que seule la magie en serait capable. Laquelle ? Aucun ne le sait, car nulle réminiscence de celle-ci ne subsiste, pas la plus petite trace, aussi bien dans les esprits que dans les livres.
Un matin, l’humanité se lève et se demande ce qu’elle a perdu. Le lexique amputé de maints termes, le langage s’appauvrit, sa beauté pâlit ; le fil des pensées est plus incertain, la langue manque d’assurance et de vivacité, les phrases vidées de leur substance. L’air lui-même semble privé d’un élément.
S’exprimer devient un exercice délicat, plein de maladresses, l’esprit cherchant péniblement des termes semblables à ceux qui n’existent plus. Il n’est hélas pas rare que les échanges s’enlisent dans un abject mélange d’harangues et de babillages indéchiffrables. Chacun tente de saisir ce que l’autre cherche à dire.
En vérité, ce n’est pas uniquement une lettre qui manque, mais un pan entier de la culture et de l’intelligence humaine qui s’échappe dans les limbes.
Même les plus érudits se perdent dans les méandres de cette affaire bien mystérieuse. L’humanité entière aurait-elle été subitement atteinte d’amnésie après effacement délibéré de cette lettre de l’ensemble des textes ? Quel infâme dessein cela cache-t-il ? Quelle divinité infernale tire les ficelles et se délecte d’essayer de disperser les peuples tel jadis à Babel ?
Mais la perplexité des débuts laisse rapidement place à l’indifférence générale et, avec cette dernière, l’humanité se résigne à reprendre le fil de sa destinée, le chemin qu’elle avait empruntée jusqu’à présent. Certes, le verbiage régresse mais s’adapte tant bien que mal, ce n’est pas une fatalité. D’aucuns disent : « tant pis si de tels événements surviennent ; c’est sûrement mieux ainsi ! » Rien n’arrive par hasard, justifient-ils.
Cependant, quelques-uns cherchent à percer cette énigme. N’y a-t-il pas de manuscrits intacts quelque part ? De preuves de l’existence de celle qui est à présent appelée « L’Indicible » ? Malgré des recherches minutieuses, seuls les espaces blancs dans les textes, autant de sépultures vides de leurs résidents, attestent de sa présence passée. Les lettrés, les spécialistes du passé et les linguistes s’échinent à démêler cette affaire, sans grand succès. Finalement, l’enquête piétine et ils abdiquent dans l’indifférence générale.
Et qui s’en inquiète vraiment ? Jugée anathème par un tribunal céleste, les dieux décidèrent de la bannir de la surface de la Terre. Quel blâme serait apte à les démentir ? Quel argument serait de taille à la libérer de cette sentence éternelle ?
De fait, L’Indicible est maintenant frappée d’interdit et il est strictement défendu de chercher à en apprendre davantage ni même désirer sa renaissance.
Lecteur, lectrice, je l’affirme : c’est assurément une grande perte que cette pauvre petite lettre ingénue ! Accusée de bien des maux, censurée injustement, les pensées réclament secrètement sa délivrance. S’il existe un univers dans lequel elle subsiste, puisse-t-elle être chérie, perpétuer la richesse de sa langue et l’éclat de ceux qui la pratiquent.
Pour ce deuxième article de la série « Étymo… logique », j’ai décidé de vous présenter succinctement quelques mots certes répandus, mais dont l’étymologie m’a semblé être instructive et quelquefois étonnante :
Sarcophage : du grec ancien sarkophagos (σαρκοφάγος, « qui se nourrit de la chair »), constitué de sarkos (σαρκός, « chair, corps ») et de phágos (φάγος, « mangeur »). Ces cercueils ont été appelés ainsi car la pierre utilisée avait la réputation de consumer les chairs.
Virus : du latin virus (« poison, toxine, venin »). Tout simplement.
Apothéose : du latin apotheosis (« déification, action d’élever au rang des dieux »), issu du grec ancien apotheôsis (ἀποθέωσις, de même sens), dérivé de theós (θεός, « dieu »).
Loisir : de l’ancien français loisir (« être permis »), issu du latin licere (de même sens). En effet, ce temps libre nous permet de faire ce que l’on veut, ce qu’il nous plaît.
Arène : du latin arena (« sable »), car la partie centrale des amphithéâtres (où se déroule les jeux et les combats) est sablée.
Monstre : du latin monstrum (« avertissement céleste, présage divin »), terme du vocabulaire religieux, de monere (« avertir »). Je cite Wikipédia pour l’explication : « le monstre est ce que l’on montre du doigt, et aussi ce qui se montre, ce qui traduit la puissance divine de la Création, capable de mettre du désordre dans l’ordre ou le contraire, provoquant soit la terreur, soit l’admiration. »
Embonpoint : de en bon point (« en bonne condition, en bonne santé »). Il fut une époque où être bien en chair était un signe de bonne santé.
Animal : du latin animal (« être vivant »), de anima (« souffle de vie, principe vital »).
Décimer : du latin decimare (« punir (de mort) un homme sur dix »), de decem (« dix »). En effet, les Romains avaient pour coutume, en cas de défaite de leurs propres armées, d’exécuter au hasard un soldat sur dix.
On se retrouve bientôt pour de nouvelles étymologies en vrac 🙂
J’inaugure cette nouvelle catégorie « Questions de langue » par la question suivante : quand doit-on employer le verbe hiberner ou hiverner ? Quelles différences existe-t-il entre les deux ?
Tout d’abord, les deux viennent du latin hibernare (« passer l’hiver »), donc a priori, on pourrait penser qu’il s’agit de synonymes parfaitement interchangeables, mais, vous vous en doutez certainement, ce n’est pas le cas ; leur signification diffère malgré l’origine commune des deux verbes.
Hiberner
Ce verbe s’emploie en parlant de certains animaux qui passent l’hiver en hibernation, c’est-à-dire dans un état d’engourdissement ou de profonde léthargie : baisse de la température corporelle, ralentissement de la fréquence respiratoire et cardiaque et inactivité de la plupart des zones du cerveau. En bref, c’est un sommeil profond qui permet de passer l’hiver.
Par exemple, les marmottes et les chauve-souris hibernent.
Hiverner
Au contraire, ce verbe désigne le fait de passer l’hiver à l’abri du froid, dans un lieu quelconque. Il peut s’employer pour parler de navires ou de troupes qui doivent passer l’hiver dans un lieu protégé ou d’animaux qui vont se réfugier dans un abri tempéré en attendant le retour du printemps. Cependant, bien que les animaux en hivernation se reposent et connaissent une période de vie au ralenti, ils restent toutefois actifs et doivent sortir pour s’alimenter ; l’hivernation est comparable à un état de somnolence.
Par exemple, « les navires hivernent dans le port », « les oiseaux migrateurs hivernent dans les pays chauds » et « le blaireau hiverne durant la mauvaise saison ». Attention, contrairement à ce qu’on entend dire souvent, l’ours n’hiberne pas, il hiverne !
On peut également utiliser ce verbe pour parler de plantes qu’on hiverne pour protéger du froid ou de troupeaux qui hivernent dans une étable.
Si vous voulez en savoir plus (ou vérifier mes dires) :
Dans la langue française, au delà des simples nombres, il y a de nombreux termes qui sont spécifiques à des régions propres. Ce qui est tout à fait normal, car la langue française a évolué de façon différente en fonction des lieux, en y intégrant des mots d’autres langues, des traits culturels et religieux, des idiomes, etc. Chaque mot a une origine qui lui est propre : étudier l’étymologie d’un mot, c’est étudier son histoire, donc notre Histoire ! Contrairement à ce que l’on pourrait parfois croire, ils ne « tombent » pas de nulle part (même les plus bizarres) !
Les différentes langues en Suisse. Source et licence : Wikimédia.
Dans cet article, je vais simplement vous faire part de certains termes typiquement Suisse et, plus particulièrement, ceux de la région du Jura bernois (haut de la partie violette sur la carte). J’encourage d’ailleurs d’autres blogueurs à partager quelques uns de leurs mots régionaux 😉