L’Indicible

Crédits : @kirklai sur Unsplash

Stupeur parmi les habitants de la planète : il manque une lettre dans l’alphabet latin ! Elle a disparu de l’intégralité des textes telle que seule la magie en serait capable. Laquelle ? Aucun ne le sait, car nulle réminiscence de celle-ci ne subsiste, pas la plus petite trace, aussi bien dans les esprits que dans les livres.

Un matin, l’humanité se lève et se demande ce qu’elle a perdu. Le lexique amputé de maints termes, le langage s’appauvrit, sa beauté pâlit ; le fil des pensées est plus incertain, la langue manque d’assurance et de vivacité, les phrases vidées de leur substance. L’air lui-même semble privé d’un élément.

S’exprimer devient un exercice délicat, plein de maladresses, l’esprit cherchant péniblement des termes semblables à ceux qui n’existent plus. Il n’est hélas pas rare que les échanges s’enlisent dans un abject mélange d’harangues et de babillages indéchiffrables. Chacun tente de saisir ce que l’autre cherche à dire.

En vérité, ce n’est pas uniquement une lettre qui manque, mais un pan entier de la culture et de l’intelligence humaine qui s’échappe dans les limbes.

Même les plus érudits se perdent dans les méandres de cette affaire bien mystérieuse. L’humanité entière aurait-elle été subitement atteinte d’amnésie après effacement délibéré de cette lettre de l’ensemble des textes ? Quel infâme dessein cela cache-t-il ? Quelle divinité infernale tire les ficelles et se délecte d’essayer de disperser les peuples tel jadis à Babel ?

Mais la perplexité des débuts laisse rapidement place à l’indifférence générale et, avec cette dernière, l’humanité se résigne à reprendre le fil de sa destinée, le chemin qu’elle avait empruntée jusqu’à présent. Certes, le verbiage régresse mais s’adapte tant bien que mal, ce n’est pas une fatalité. D’aucuns disent : « tant pis si de tels événements surviennent ; c’est sûrement mieux ainsi ! » Rien n’arrive par hasard, justifient-ils.

Cependant, quelques-uns cherchent à percer cette énigme. N’y a-t-il pas de manuscrits intacts quelque part ? De preuves de l’existence de celle qui est à présent appelée « L’Indicible » ? Malgré des recherches minutieuses, seuls les espaces blancs dans les textes, autant de sépultures vides de leurs résidents, attestent de sa présence passée. Les lettrés, les spécialistes du passé et les linguistes s’échinent à démêler cette affaire, sans grand succès. Finalement, l’enquête piétine et ils abdiquent dans l’indifférence générale.

Et qui s’en inquiète vraiment ? Jugée anathème par un tribunal céleste, les dieux décidèrent de la bannir de la surface de la Terre. Quel blâme serait apte à les démentir ? Quel argument serait de taille à la libérer de cette sentence éternelle ?

De fait, L’Indicible est maintenant frappée d’interdit et il est strictement défendu de chercher à en apprendre davantage ni même désirer sa renaissance.

Lecteur, lectrice, je l’affirme : c’est assurément une grande perte que cette pauvre petite lettre ingénue ! Accusée de bien des maux, censurée injustement, les pensées réclament secrètement sa délivrance. S’il existe un univers dans lequel elle subsiste, puisse-t-elle être chérie, perpétuer la richesse de sa langue et l’éclat de ceux qui la pratiquent.

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L’astronomie, vecteur d’émerveillement et de réflexion

C’est un sujet que je n’avais encore jamais abordé jusqu’à maintenant sur ce blog. L’espace, ses merveilles, me font rêver depuis longtemps et c’est en pur amateur que je me délecte en ce domaine.

Armé de mon modeste télescope de Newton (76/700 mm), j’ai pu observer la Lune, mais également des planètes comme Jupiter et Saturne. Bien que ces dernières se résumaient à de pâles et minuscules points colorés, je parvenais tout de même à distinguer chacune de leurs caractéristiques notables : respectivement la Grande Tache rouge et les anneaux.

Il est peu aisé de retranscrire exactement l’émotion ressentie lors de l’observation des astres de nos propres yeux et non à travers des clichés. Le vertige et la modestie ressentis face à l’immensité du cosmos ; la majesté émanant de ces corps célestes immémoriaux ; l’émerveillement à découvrir leurs détails, leur délicatesse inattendue ; etc.

Et même à l’œil nu, difficile de ne pas éprouver un frisson en visualisant pleinement la Voie lactée dans un ciel noir d’encre, ainsi que la pleine conscience de ce qu’elle représente, de sa structure.

L’astronomie, ou plus simplement la contemplation du ciel, nous permet d’expérimenter une profonde humilité, de relativiser notre condition humaine, de stimuler notre imagination, et de faire naître bien des réflexions. À mon sens, la vie elle-même, en particulier de par sa rareté, s’en trouve sublimée.

Vous pensez que je m’emporte ? C’est probable. Toutefois, avant de me vouer aux gémonies, laissez-moi vous présenter cette photo, l’une des dernières capturées par la sonde Voyager 1, le 14 février 1990 :

Crédits : NASA.

Elle a été prise à 6 milliards de kilomètres de notre planète, c’est-à-dire aux confins de notre système solaire. Rien d’extraordinaire a priori : une image sombre, bruitée, avec quelques rayons de lumière colorés… On pourrait la qualifier de « médiocre ».

Et pourtant, regardez attentivement. Augmentez la luminosité, si nécessaire. Vous voyez ce petit point bleu pâle, au centre à droite, dans un rayon de lumière ? Ce n’est pas un défaut ni une poussière sur votre écran, c’est la Terre !

C’est encore à ce jour le plus lointain cliché de notre planète.

Ce point bleu pâle (Pale Blue Dot) a durablement marqué les esprits. À tel point qu’il a inspiré à l’astronome américain Carl Sagan les célèbres lignes suivantes :

De ce point de vue éloigné, la Terre ne semble pas présenter d’intérêt particulier. Mais pour nous, c’est différent. Regardez encore ce point. C’est ici. C’est notre maison. C’est nous. Sur ce point se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui ont jamais existé. L’ensemble de nos joies et de nos souffrances, les milliers de religions, d’idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et les cueilleurs, tous les héros et les lâches, tous les créateurs et les destructeurs de civilisation, tous les rois et les paysans, tous les jeunes couples amoureux, toutes les mères et tous les pères, les enfants pleins d’espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les « superstars », tous les « chefs suprêmes », tous les saints et tous les pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu là – sur un grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.

La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. Pensez aux rivières de sang versées par tous ces généraux et empereurs pour que, dans la gloire et le triomphe, ils puissent devenir les maîtres momentanés d’une fraction de ce point. Pensez aux cruautés sans fin que les habitants d’un coin de ce pixel infligent aux habitants à peine discernables d’un autre coin, à la fréquence de leurs malentendus, à leur envie de s’entretuer, à la ferveur de leurs haines.

Nos postures, notre suffisance imaginaire, l’illusion que nous occupons une position privilégiée dans l’univers, sont remises en question par ce point de lumière pâle. Notre planète est un point isolé dans la grande obscurité cosmique qui nous enveloppe. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, il n’y a aucune indication qu’une aide viendra d’ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes.

La Terre est le seul monde connu à ce jour à abriter la vie. Il n’existe aucun autre endroit, du moins dans un avenir proche, où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Qu’on le veuille ou non, pour l’instant, c’est sur Terre que nous sommes installés.

On dit que l’astronomie est une expérience qui rend humble et forge le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la folie des idées de l’homme que cette image lointaine de notre petit monde. Pour moi, elle souligne la responsabilité qui nous incombe de nous comporter plus aimablement les uns envers les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, le seul foyer que nous ayons jamais connu.

Pale Blue Dot, Carl Sagan, 1994

Je trouve impressionnant ce qu’un simple cliché, à l’apparence banale, peut susciter ; sa symbolique nous poussant jusqu’à envisager différemment notre vision du monde, notre rapport aux autres et à notre planète.

Le dernier paragraphe corrobore d’ailleurs l’idée que l’astronomie est une expérience qui peut transcender l’esprit humain, nous inciter à la réflexion, et nous pousser à devenir plus humbles. Elle ne consiste pas « uniquement » en l’observation, méthodique, cartésienne, des étoiles.

Ainsi puis-je l’affirmer sans peine : l’astronomie est tout autant une activité scientifique que philosophique, selon les sensibilités de chacun.

La grandeur insaisissable de l’Univers écrase l’orgueil démesuré et illusoire des hommes ; il est un rappel permanent que nous sommes finalement peu de choses face à la l’éternité et à l’infinité. Et que la vie, véritable anomalie à l’échelle cosmique, est précieuse et doit être protégée.

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Critique du livre « Dracula » par Bram Stoker

Permettez-moi ces quelques mots afin de vous donner également l’envie de lire ce livre 😉

En effet, Dracula est bien davantage que le nom du vampire le plus célèbre de la culture populaire. Il est surtout le titre du roman phare écrit par Bram Stoker, paru en 1897.

Véritable monument de la littérature anglaise, cette fiction gothique est sans nul doute celle qui a initié le public au mythe du vampire tel que nous le connaissons !

Roman épistolaire, le récit est intégralement narré à travers des lettres, des journaux intimes et des articles de presse.

Le point de vue du comte Dracula n’est jamais exprimé ; le récit se fait uniquement à travers le regard d’autres personnages amenés à côtoyer l’antagoniste et ses funestes desseins. D’aucuns connaîtront un destin tragique, alors que d’autres rechercheront des réponses, une vengeance, voire la rédemption.

Jusqu’à présent, je n’avais jamais vraiment prêté attention à ce livre, le reléguant à une « vieillerie » inintéressante et dont l’histoire — pensais-je alors — se révèlerait fade et sans surprise. À ma décharge, j’avais en tête les vieux films de Dracula, avec leur vampire au maquillage peu élaboré et aux scènes à l’horreur risible pour le spectateur moderne. Des préjugés qui m’ont malheureusement influencé dans mon opinion de l’œuvre. Eh bien, j’avais tort et je suis heureux de pouvoir le dire !

En réalité, ami lecteur, amie lectrice, il mérite totalement sa renommée et son statut de chef d’œuvre n’est pas usurpé, même plus d’un siècle après !

Outre la créature démoniaque et sans cœur que l’on connaît — au moins de réputation —, le comte Dracula se révèle également exquis, cultivé, et incroyablement intelligent. Il est un adversaire redoutable, plein de ressources, et il n’est pas étonnant que son empreinte dans le monde de la fiction ait été aussi forte.

Sans vouloir divulgâcher quoique ce soit, le récit, assurément gothique, nous tient véritablement en haleine et nous entraîne bien au-delà de la Transylvanie et son iconique château.

Devant l’ingéniosité, les pouvoirs et la force surhumaine de la créature, les actions des hommes semblent vaines et leur destin inéluctablement funeste, ce qui rend la lecture d’autant plus palpitante. Pour ma part, je souhaitais toujours en connaître la suite (dès lors, je ne me suis pas forcé le moins de monde pour « dévorer » la moitié du livre en l’espace de deux jours…).

Les personnages, aussi bien hommes que femmes, sont intelligemment bien écrits ; les mots habilement maniés dévoilent leurs angoisses, leurs peurs, mais aussi leur espoir et leur profonde amitié née de l’adversité.

Pour terminer, ce n’est pas tant un roman d’horreur qu’une véritable « enquête policière » à laquelle doivent se prêter les protagonistes afin d’arrêter la maudite créature et ses exactions criminelles.

Et vous voulez connaître la meilleure ? Étant tombé dans le domaine public, le livre est disponible gratuitement (ou à très faible coût) — y compris en langue française pour les lecteurs, comme moi, quelque peu frileux à l’idée de lire un anglais soutenu de la fin du XIXème siècle.

À celles et ceux qui possèdent une liseuse, l’ouvrage est disponible en de nombreuses éditions dans votre boutique en ligne Kobo ou Kindle 😉

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Blason de la famille Vuilleumier en haute résolution

Ne trouvant pas le blason de la famille Vuilleumier (de La Sagne et Tramelan) dans une bonne qualité ou des dimensions correctes, j’ai alors décidé de le refaire moi-même en haute résolution. Le tout en respectant les règles de l’héraldique.

Blason de la famille Vuilleumier

Pour ce faire, je me suis appuyé sur les blasons existants et la description donnée dans « Arbre généalogique de la famille Vuilleumier de la Sagne, Tramelan-Dessus et Bâle » par Auguste Vuilleumier, 1914 : de sable, au croissant d’argent, surmonté d’un cœur d’or, au chef du second chargé de trois étoiles d’azur.

Pour les deux qui me suivent encore au fond, seule la couleur du chef n’est pas décrite, ainsi ai-je pris l’initiative de reprendre l’argent déjà utilisé couramment dans les autres versions du blason.

Proposée dans le domaine public, l’image peut être utilisée librement 😉

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« Nobody Lives Here », version Suisse

Inspiré par la série de cartes « Nobody Lives Here » (personne ne vit ici) et n’en trouvant pas une spécifique pour la Suisse, j’ai décidé d’en créer une moi-même.

Pour cela, je suis parti sur la carte de population de l’Office fédéral de la statistique (OFS) que j’ai inversée et retravaillée pour mettre en évidence (en vert) les zones qui ne recensent peu ou pas d’habitants (plus spécifiquement : moins d’un habitant par hectare).

C’est probablement loin d’être d’une grande rigueur scientifique, mais ça donne une assez bonne idée des territoires inoccupés (ou peu peuplés) de notre contrée 🙂

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